Le consortium Forbidden Stories dévoile l’implication d’une entreprise israélienne ultra-secrète dans la manipulation électorale et le piratage politique en Afrique, exposant un monde complexe où se mêlent cyber-espionnage et désinformation de masse. Cette enquête, poursuivant le travail de la journaliste indienne Gauri Lankesh, nous plonge au cœur de l’industrie de la tromperie et des jeux d’influence.
Cambridge Analytica et ses zones d’ombre
En 2018, l’affaire Cambridge Analytica éclatait au grand jour, mettant en lumière l’utilisation frauduleuse des données personnelles de 87 millions d’utilisateurs de Facebook pour influencer des élections à grande échelle. L’entreprise britannique a été accusée d’avoir manipulé des scrutins majeurs comme l’élection de Donald Trump en 2016 et le Brexit. Cependant, au-delà des révélations sur Cambridge Analytica, des zones d’ombre subsistent concernant des sous-traitants israéliens spécialisés dans le hacking, dont l’identité et les méthodes restent encore floues.
Le consortium Forbidden Stories et le projet « Story Killers »
Depuis plus de six mois, Forbidden Stories, un réseau de journalistes d’investigation, mène une enquête dans le cadre du projet « Story Killers ». Ce projet s’inscrit dans la continuité des travaux de la journaliste indienne Gauri Lankesh, assassinée en 2017 alors qu’elle investiguait sur des campagnes de désinformation massives. L’une des figures centrales de cette enquête est un mystérieux consultant israélien surnommé « Jorge », identifié comme Tal Hanan, PDG de Demoman International.
Une opération de manipulation mondiale
La technologie a permis à Tal Hanan d’améliorer ses outils pour la manipulation de masse. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle rédige des publications virales et le piratage de comptes Telegram s’ajoute à son arsenal. Pour répondre à la demande d’un potentiel client africain, Hanan propose une démonstration en temps réel, sans réaliser que son interlocuteur est en réalité un journaliste infiltré de Radio France.
33 campagnes présidentielles dirigées par « Jorge »
Lors de plusieurs rendez-vous, Tal Hanan se vante d’avoir participé à 33 campagnes présidentielles, dont 27 se seraient soldées par une victoire. En tête-à-tête avec les journalistes infiltrés, il dévoile une partie de ses pratiques : propagation de fausses informations, hacking d’opposants et création de récits sur mesure. Toutefois, il reste extrêmement discret sur l’identité de ses clients, préférant relater des anecdotes dignes de films d’espionnage.
Propagation de récits via des avatars
Pour illustrer l’efficacité de son réseau, « Jorge » présente une démonstration de l’outil AIMS (Advanced Impact Media Solutions), une plateforme permettant de piloter des centaines de faux profils en ligne. Un test proposé par les journalistes montre l’efficacité redoutable de ces avatars dans la diffusion d’un hashtag sur les réseaux sociaux. L’enquête de Forbidden Stories révèle que ces faux comptes ont été utilisés pour manipuler des débats publics sur divers continents, des services de santé britanniques au port de Panama.
La face cachée du hacking politique
Un des aspects les plus inquiétants de ces activités est la capacité de « Jorge » à pirater les comptes de hauts responsables politiques. Au cours d’une démonstration, Tal Hanan prend le contrôle de plusieurs comptes Telegram et Gmail de personnalités influentes, révélant ainsi la facilité avec laquelle il peut surveiller et manipuler les communications privées. Cette compétence a été mise à l’épreuve lors de l’élection présidentielle kenyane de 2022, où Hanan a infiltré les comptes de proches de l’actuel président William Ruto.
L’entourage mystérieux de « Jorge »
Les activités de « Jorge » sont entourées d’un réseau complexe d’associés, y compris d’anciens agents des services de renseignement israéliens. Parmi eux, Mashi Meidan et Shuki Friedman, tous deux soupçonnés d’être d’anciens membres du Shin Bet, figurent en bonne place. Le consortium Forbidden Stories a également identifié d’autres partenaires comme Yaakov Tzedek et Ishay Shechter, qui ont participé à certaines réunions stratégiques.
Technologie et influence : un marché lucratif
Tal Hanan utilise des solutions sophistiquées offertes par des entreprises israéliennes comme Rayzone pour renforcer ses capacités de surveillance. Ces outils incluent la collecte de données personnelles, la reconnaissance faciale et l’interception de réseaux mobiles, permettant une surveillance poussée de ses cibles. Le réseau SS7, en particulier, est utilisé pour localiser et intercepter les communications téléphoniques, une fonctionnalité essentielle pour des opérations de cyber-espionnage aussi poussées.
Un business florissante mais opaque
Les tarifs proposés par Tal Hanan sont élevés : 160 000 dollars pour une phase initiale de recherche et de préparation, plus 40 000 dollars de frais de déplacement, selon une brochure de 2015 adressée à Cambridge Analytica. Toutefois, ses services de piratage sont illégaux selon la législation israélienne, rendant encore plus opaques les transactions et la nature exacte de son réseau international de collaborateurs.
L’enquête de Forbidden Stories continue de lever le voile sur les implications de Tal Hanan et ses associés dans la manipulation électorale et la désinformation politique. Quels sont les prochains défis à relever pour empêcher ces mercenaires du hacking de nuire davantage aux processus démocratiques à travers le monde ? La pertinence de maintenir la transparence et la vigilance des institutions démocratiques face à de telles menaces est plus cruciale que jamais. À quel point notre société est-elle prête à affronter cette réalité troublante ?
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