Des entreprises françaises soutiennent Total dans le projet controversé EACOP, malgré les retraits massifs de financeurs européens en raison des critiques environnementales et de droits humains.

Les ramifications du projet EACOP : le rôle clé de la Chine et l’implication française

Les 6 et 7 mai dernier, le président chinois Xi Jinping était en visite en France. Parmi les nombreux sujets abordés avec Emmanuel Macron figurait notamment le climat. Or, un mois avant cette visite, Xi Jinping avait écrit à Yoweri Museveni, président ougandais, pour lui exprimer son soutien au projet EACOP (East African Crude Oil Pipeline Project) piloté par TotalEnergies. Ce projet titanesque vise la construction d’un oléoduc chauffé de plus de 1400 kilomètres à travers l’Ouganda et la Tanzanie.

La Chine, un partenaire stratégique pour TotalEnergies

Depuis 2019, TotalEnergies peine à finaliser le financement d’EACOP en raison des nombreux retraits d’acteurs européens. En effet, face au refus de 28 banques et 29 compagnies d’assurance, TotalEnergies s’appuie de plus en plus sur des investisseurs chinois. Romane Audéoud, coordinatrice de la campagne #StopEACOP à Londres explique : « Il y a tellement d’acteurs européens qui se sont retirés du financement du projet EACOP que TotalEnergies se tourne désormais vers les acteurs chinois et compte de plus en plus sur eux ».

Ces retraits sont en grande partie dus à la pression exercée par la coalition StopEACOP, de nombreuses ONG et des enquêtes journalistiques qui ont révélé les impacts néfastes sur la biodiversité et les droits humains. Des dizaines de milliers de personnes sont en effet déplacées pour laisser place à cet oléoduc. Allianz, l’assureur allemand, a par exemple justifié son retrait en disant : « Cela ne répond ni à notre ambition climatique ni à notre profil de risque ESG ».

Le soutien français

Malgré le retrait de plusieurs acteurs européens, certaines entreprises françaises restent impliquées dans le projet et ses financements. Schneider Electric est l’une d’entre elles, ce qui suscite de nombreuses critiques. Pendant le marathon de Paris, le 7 avril, des manifestants ont déployé une banderole accusant Schneider Electric de double discours : l’entreprise prônant la durabilité tout en soutenant EACOP.

L’implication discrète de Vallourec et Bolloré Logistics

Outre Schneider Electric, d’autres entreprises françaises jouent un rôle non négligeable dans le projet EACOP. Bolloré Logistics, désormais sous le giron de CMA CGM, assure la logistique du projet. Vallourec, quant à elle, livre 30 000 tonnes de matériel pour le forage de 400 puits autour du lac Albert. Ces zones de forage sont situées en plein cœur du parc national de Murchison Falls, mettant en péril des espèces animales et végétales protégées.

Un montage financier astucieux : Le recours aux émissions d’obligations

Pour finaliser le chantier, TotalEnergies se tourne également vers le marché des obligations. Ces titres de créance, représentant 68 % de ses financements depuis l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris en 2016, sont une source discrète mais essentielle de fonds. Ainsi, en avril dernier, TotalEnergies a levé plus de quatre milliards de dollars grâce au soutien de banques comme BPCE/Natixis. Antoine Bouhey, de Reclaim Finance, souligne : « Les financements par obligation soutiennent de façon plus discrète les projets de TotalEnergies, y compris l’exploration de nouveaux gisements potentiels ».

Le rôle des banques françaises

Malgré leur retrait du financement direct d’EACOP, certaines banques françaises continuent de jouer un rôle important via les émissions d’obligations. BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale ont par le passé participé à ces transactions au profit de TotalEnergies. Elles n’ont pas pris d’engagement clair pour ne pas participer aux prochaines levées d’obligations.

Les investisseurs, des acteurs à surveiller de près

Les ONG surveillent aussi les investisseurs qui achètent ces obligations. Parmi eux, Amundi, une filiale du Crédit Agricole, joue un rôle majeur dans les financements de TotalEnergies. Antoine Bouhey indique : « Il y a en fait une politique de groupe à changer ».

Opérations de sensibilisation et campagnes de retrait

Les campagnes de sensibilisation ne se limitent pas aux banques et aux assureurs ; elles concernent aussi les sous-traitants comme Schneider Electric. Des manifestations et des distributions de tracts ont eu lieu devant des sites de Schneider Electric en France pour alerter les salariés et les encourager à se mobiliser contre la participation de leur entreprise à EACOP.

Des salaires internes critiques

Certains salariés de Schneider Electric, comme Arthur et Baptiste (noms changés), envisagent même de quitter leur entreprise, déplorant le fossé entre les communications « vertes » et les actions concrètes de la multinationale. « Quand je vois à quoi sert mon travail, je doute de trouver un jour un boulot d’ingénieur dans une industrie vertueuse », déclare Baptiste.

En tenant compte des diverses implications et ramifications de ces financements, quelle sera la prochaine étape pour ces entreprises françaises face aux pressions croissantes des ONG et de la société civile ?

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Originaire d'une ville vibrante d'Afrique, je suis un journaliste passionné par les récits de mon continent. Diplômé en journalisme, j'ai fondé Afriquenligne, en étant captivé par le désir de révéler les réalités africaines. Je voyage pour offrir des reportages authentiques, visant à transformer la perception de l'Afrique. Contact : [email protected]

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