Une vidéo virale prétendant montrer des esclaves vendus en RDC pour travailler dans les mines a été démentie : il s’agit en réalité d’une formation navale au Nigeria.

Une vidéo virale et trompeuse

Le 18 mai 2024, une vidéo a été publiée sur X (anciennement Twitter), captant l’attention de plus de 16 millions d’internautes en seulement quelques jours. Les images supposées choquantes montrent des individus couverts de boue, les mains en l’air, dans ce qui s’apparente à un trou creusé à même le sol. Des hommes en uniforme et en tenue civile leur donnent des ordres, certains portant des bâtons, tandis que d’autres rient ou chantent. La légende de la vidéo, en anglais, affirme qu’il s’agit « d’Africains vendant des Africains en République démocratique du Congo pour travailler dans les mines ». Ce contenu a été abondamment partagé par des comptes associés à l’extrême droite américaine et européenne.

Une vidéo relocalisée au Nigeria

Cependant, une vérification minutieuse révèle une toute autre réalité. Nos recherches sur les réseaux sociaux nous ont permis de retrouver la vidéo originale, publiée d’abord sur TikTok en juin 2023. Cette vidéo a été géo-localisée à Badagry, au Nigeria, et non en République démocratique du Congo. L’équipe de rédaction de RFI en Haoussa nous a confirmé que l’on pouvait entendre une femme s’exprimer en yoruba, une langue officielle au Nigeria et couramment parlée dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest.

Une formation navale, pas une vente d’esclaves

L’auteur de la publication TikTok d’origine mentionne un « jour à retenir » et identifie clairement le compte de l’Institute of Transport and Management Technology (ITMT), un centre de formation maritime implanté à Badagry. Une exploration plus poussée du hashtag #ITMT révèle la présence de multiples vidéos analogues, confirmant l’existence d’un rite de passage pour les nouvelles recrues de cette institution. Toutes ces vidéos ont été localisées au Nigeria, corroborant l’idée que la scène polémique faisait partie d’une série de vidéos similaires.

Les uniformes bleus portés par certains des individus sur la vidéo, ainsi que les vêtements portés par les cadets, sont en phase avec les tenues officielles observées à l’Institute of Transport and Management Technology. Ces éléments corroborent la thèse que les images ne montrent pas une vente d’esclaves en RDC, mais bel et bien une formation navale nigériane.

Les racines d’une infox virale

C’est sous cette nouvelle perspective que l’on peut analyser la dissémination de cette infox. Elle a notamment été amplifiée par des personnalités et des comptes influents, dont Alex Jones, une figure majeure du complotisme et de l’extrême droite américaine. Rappelons qu’Alex Jones avait été condamné en août 2022 à payer près d’un milliard de dollars de compensations pour diffamation et préjudice moral aux familles des victimes du massacre de l’école Sandy Hook en 2012, massacre dont il avait nié la réalité.

Les récits trompeurs et leurs impacts

Cette affaire vient renforcer l’importance cruciale de la vérification des informations diffusées sur les réseaux sociaux. Une vidéo sortie de son contexte peut engendrer une désinformation massive et susciter des réactions émotionnelles disproportionnées, voire dangereuses. Il est impératif pour les internautes de faire preuve de scepticisme et de prendre le temps de vérifier la provenance et l’authenticité des informations qu’ils consultent et partagent.

Ce n’est pas la première fois qu’un contenu trompeur engendre une vague de désinformation. En 2017, une vidéo montrant des pratiques cérémoniales en Ouganda avait été présentée, à tort, comme des preuves de sacrifices humains en cours dans certaines régions africaines. Les effets de telles infox ne sont pas à sous-estimer : elles peuvent exacerber les tensions ethniques, alimenter des préjugés et conduire à des actions basées sur des fausses informations.

Face à l’ampleur de la désinformation sur les réseaux sociaux, comment pouvons-nous renforcer notre vigilance face à de telles manipulations et éviter de contribuer, même involontairement, à la propagation de fausses nouvelles ?

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Originaire d'une ville vibrante d'Afrique, je suis un journaliste passionné par les récits de mon continent. Diplômé en journalisme, j'ai fondé Afriquenligne, en étant captivé par le désir de révéler les réalités africaines. Je voyage pour offrir des reportages authentiques, visant à transformer la perception de l'Afrique. Contact : [email protected]

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