Le commerce illicite de bois en provenance du Mozambique, estimé à 23 millions de dollars par an, alimente un réseau criminel et une insurrection islamiste dans le nord du pays, mettant en péril la sécurité et l’environnement de cette région d’Afrique australe.
Un commerce lucratif de bois de rose
Le commerce illicite de bois de rose du Mozambique, dont la demande est principalement dirigée vers le marché chinois, est non seulement une menace écologique mais également une source de financement pour des groupes insurgés. Selon les données de l’Environmental Investigation Agency (EIA), cette contrebande contribue à financer des militants violents liés à l’État islamique dans la province de Cabo Delgado. Le bois de rose, prisé pour la fabrication de meubles de luxe, est pourtant protégé par des traités internationaux visant à limiter son commerce pour préserver l’espèce.
Enquête et révélations de l’EIA
Une enquête de l’EIA, menée sous couverture pendant quatre ans, a révélé que la mauvaise gestion des concessions forestières, l’abattage illégal et la corruption des autorités portuaires permettaient à ce commerce illicite de prospérer. Cette enquête arrive à un moment critique où les combats dans le nord du Mozambique s’intensifient. Une attaque récente sur la ville de Macomia montre que les insurgés se déplacent vers le sud, gagnant des fonds suffisants pour recruter dans des provinces voisines comme Nampula.
L’implication des insurgés
Le rapport du gouvernement mozambicain, intitulé National Risk Assessment on Terrorism Finance Report, confirme que les revenus issus de la contrebande de produits forestiers sont utilisés pour financer l’insurrection. Les entreprises paieraient une commission de protection de 10 % aux groupes d’insurgés pour pouvoir abattre les arbres dans les zones sous leur contrôle. Les forêts de Cabo Delgado, riches en espèces précieuses comme le bois de rose, sont divisées en concessions souvent exploitées par des sociétés chinoises sous des permis officiels.
Routes maritimes et complicité des compagnies
Le bois de rose est principalement exporté vers la Chine où il est enregistré sous un code douanier spécifique, « hongmu ». En 2023, le Mozambique a été le principal fournisseur africain de bois de hongmu à la Chine, avec plus de 20 000 tonnes expédiées. L’enquête de l’EIA a tracé environ 300 conteneurs de bois de rose pau preto, une espèce menacée, entre le Mozambique et la Chine. Les grandes compagnies maritimes comme Maersk et CMA-CGM sont impliquées dans ce transport, bien qu’elles affirment respecter les réglementations locales et internationales.
Déforestation et enjeux écologiques
La déforestation au Mozambique progresse à un rythme alarmant, avec une perte quotidienne équivalente à 1 000 terrains de football. Malgré les restrictions imposées par la CITES, le commerce du bois de rose est devenu le produit sauvage le plus trafiqué au monde. Pour être légalement exporté, le bois de rose doit faire l’objet d’une évaluation scientifique complète, une exigence souvent ignorée. La conservation du bois de rose, surtout dans des régions en conflit comme Cabo Delgado, demeure un défi considérable.
Richesses naturelles et instabilité
Cabo Delgado est une région riche en ressources naturelles telles que le pétrole, le gaz, les rubis et les saphirs, attirant des investisseurs mondiaux comme la société énergétique française Total et le groupe Gemfields. Toutefois, la présence de ces ressources a également intensifié l’insécurité. L’insurrection dans la province a entraîné un déplacement massif de plus d’un million de personnes, et des attaques fréquentes contre les civils ont dévasté la région.
Combattre la corruption et renforcer les lois
Les efforts pour superviser et limiter la contrebande de bois de rose se heurtent à des obstacles significatifs, notamment la corruption et les insuffisances des autorités locales. L’EIA souligne que pour endiguer cette crise, il est nécessaire de repenser la gestion durable du commerce du bois de rose, d’améliorer les systèmes de traçage et de renforcer les mesures contrefaisant la corruption.
Réfléchissons à l’avenir des ressources naturelles du Mozambique : peut-on réellement espérer une conservation efficace sans le soutien actif de la communauté internationale et des gouvernements nationaux ?