Dans un contexte international marqué par des rivalités croissantes, la recomposition de la présence paramilitaire russe en Afrique ne passe pas inaperçue. Après la disparition tragique de son chef emblématique, Evgueni Prigojine, en août 2023, le groupe Wagner laisse place à une nouvelle entité : l’Africa Corps. Ce groupe, qui entend poursuivre et intensifier les activités russes sur le continent, soulève de nombreuses questions.
Rattachement renforcé à l’État russe
La mort de Prigojine aurait pu initier un recul des opérations russes en Afrique. Cependant, c’est tout l’inverse qui se produit. Sous la houlette de la nouvelle structure Africa Corps, les intérêts russes se trouvent encore plus intégrés aux stratégies de l’État. Désormais, chaque action paramilitaire est alignée scrupuleusement sur les priorités russes, marquant ainsi un changement notable par rapport à l’époque de Wagner qui bénéficiait d’une semi-autonomie.
Cette intégration accrue permet aux observateurs de percevoir une vision stratégique à long terme. Les déploiements au Niger et le renforcement des capacités en Libye en sont des exemples concrets. Cela traduit une volonté de Moscou de solidifier sa position sur des territoires jugés stratégiques.
Évolution des méthodes et des objectifs
Contrairement à Wagner qui créait souvent de nouvelles structures sur place, Africa Corps change son approche. Désormais, il s’agit de s’appuyer sur des entreprises locales, particulièrement dans le secteur minier, afin de garantir une exploitation continue des ressources. Cette stratégie témoigne de l’influence de l’État russe qui désire minimiser les risques et maximiser les bénéfices.
Néanmoins, l’héritage visuel et la « marque » Wagner continuent d’être exploitée. Cela se traduit par une continuité symbolique dans la communication et le recrutement, même si, sur le terrain, les opérations apparaissent plus centralisées et mieux orchestrées.
Effectifs et déploiements
Les estimations initiales idéalistes de 20 000 à 40 000 hommes sont rapidement redimensionnées par les chercheurs polonais. Actuellement, Africa Corps compterait environ 6 000 mercenaires en Afrique, un chiffre qui pourrait atteindre les 10 000 contractuels à moyen terme. Loin des grandes ambitions chiffrées, ces effectifs traduisent néanmoins une présence significative.
Ces troupes se répartissent sur plusieurs théâtres d’opérations : environ 2 000 au Mali, plus de 1 600 en République centrafricaine, et plusieurs centaines au Burkina Faso et au Niger. En Libye, une augmentation notable a été observée avec un déploiement passant de 800 à 1 800 hommes début 2023.
📊 État | Résumé des activités |
---|---|
🇳🇪 Niger | Renforcement des capacités |
🇱🇾 Libye | Progression massive des troupes |
🇨🇫 RCA | Continuité des opérations |
🇲🇱 Mali | Maintien des positions |
🔒 Sécurité | Coordination renforcée |
Centrafrique et tensions régionales
En Centrafrique, Dimitri Sityi, proche du président Faustin-Archange Touadéra, reste un acteur clé. Sa gestion des actifs économiques et des opérations de communication illustre bien la continuité de la stratégie russe dans cette région. Toutefois, au-delà de la Centrafrique, la présence d’Africa Corps suscite aussi des tensions. Les visées sur le Tchad créent des conflits d’intérêt, notamment avec l’Algérie et la Mauritanie.
Cette situation complexe est amplifiée par la nouvelle dynamique de la Russie en Afrique. Une alliance comme celle des États du Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger) est perçue comme un véritable « joyau » pour la politique africaine de Moscou, tandis que les tentatives d’expansion ailleurs accroissent les frictions diplomatiques.
- À propos d’Evlgueni Prigojine : fondateur du groupe Wagner.
- Africa Initiative : nouvelle plateforme de communication russe
- Impact économique : associations avec des entreprises locales existantes
- Nombre de mercenaires : estimation de 6 000 à 10 000 hommes
- Libye et Niger : exemples de renforcement des capacités
Paradoxes et contradictions
Jedrzej Czerep, chercheur de l’Institut polonais des affaires étrangères, souligne que le processus de remplacement de Wagner par Africa Corps est plein de paradoxes. D’une part, les plans semblent bien orchestrés et anticipés, avec une précision stratégique. D’autre part, l’adaptation se fait de manière fluide, intégrant des éléments de la structure précédente tout en la transformant.
Cet équilibre complexe entre continuité et innovation reflète les forces internes en jeu au sein du système de sécurité russe. Chaque compartiment essaie de s’imposer tout en évitant les ruptures brutales, laissant le champ libre à des ajustements dynamiques selon les besoins et les situations.
La transformation du groupe Wagner en Africa Corps révèle donc une facette puissante et adaptative de la politique extérieure russe en Afrique. Quels nouveaux défis cette évolution apportera-t-elle pour la stabilité régionale et les relations internationales ?