En 2019, la France a entamé ses premières frappes de drones dans le ciel sahélien. Cette nouvelle arme suscite des craintes et marque une transformation dans la lutte contre le terrorisme. Le philosophe Grégoire Chamayou, dans son ouvrage La Théorie du drone, soulève des questions éthiques et stratégiques, souvent ignorées par la hiérarchie militaire et les partisans des drones armés.

L’usage des drones dans des régions comme le Sahel pose des problèmes éthiques importants. Chamayou note que, selon les catégories classiques, les drones peuvent être perçus comme des armes de lâches. Ce point de vue fait écho aux propos de la ministre des Armées, Florence Parly, qui en 2021, a qualifié les engins explosifs improvisés utilisés par les terroristes de « lâches ».

Les effets sur les populations locales

Les drones armés ont des répercussions profondes sur les populations locales. Les chercheurs de l’Oxford Research Group ont observé des changements culturels et des troubles psychologiques comme l’anxiété et la paranoïa. Ces phénomènes se retrouvent également au Sahel, où les civils vivent dans une peur constante des frappes de drones.

Les témoignages recueillis sur le terrain révèlent une crainte croissante. Un spécialiste du centre du Mali mentionnait que la peur des populations avait décuplé à cause des drones armés. Les civils évitent désormais les zones où les djihadistes sont présents par crainte de représailles aériennes.

🔍 Récapitulatif
✈️ Premières frappes de drones en 2019
😨 Peur et troubles psychologiques des populations
📚 Réflexion éthique de Grégoire Chamayou

La continuation de politiques coloniales

Chamayou rappelle que l’usage de drones s’inscrit dans une continuité historique de contrôle aérien, héritée des politiques coloniales. Des experts comme David Kilcullen et Andrew Mac Donald Exum comparent les frappes de drones actuelles aux bombardements français en Algérie et aux méthodes britanniques des années 1920.

Le philosophe souligne que ces stratégies n’ont fait qu’alimenter les révoltes et les tensions, en poussant les civils dans les bras des insurgés. Cette observation est pertinente, notamment au Sahel où les drones sont perçus comme des armes d’oppresseurs étrangers et riches.

Les drones armés, s’ils réduisent les pertes humaines directes du côté des forces militaires, ne semblent pas avoir l’effet désiré sur le plan stratégique. Leurs frappes sont souvent vues comme des actes d’État terroriste, ce qui sape les efforts de stabilisation et de résolution politique à long terme.

La prééminence du paradigme de l’antiterrorisme

D’après Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, certains critiques croient que Chamayou généralise trop en se basant sur l’exemple américain. Cependant, la courte expérience française au Sahel appuie les arguments du philosophe. La « dronisation » annonce la domination de l’antiterrorisme sur la contre-insurrection.

Les opérations de drones transforment les adversaires en cibles à éliminer plutôt qu’en ennemis politiques engageant une lutte. Cette approche écarte tout règlement politique des conflits, en substituant la chasse à l’homme mécanisée à une stratégie de réconciliation et de négociation.

Les succès des frappes de drones sont souvent mesurés en termes de statistiques de décès, sans prendre en compte les répercussions politiques sur le terrain. Le général Vincent Desportes décrit la guerre à distance comme un leurre, qui produit des effets militaires sans impact politique durable.

En France, un sujet « trop sensible »

Les citoyens français sont-ils sensibilisés à ces enjeux ? Une enquête réalisée par l’Ifop en 2017 montrait que 66 % des répondants approuvaient l’armement des drones. Cependant, cette consultation est insuffisante pour conclure à une acceptation générale et bien informée.

Les dirigeants politiques et militaires n’ont pas montré de volonté d’ouvrir le débat au grand public. Un rapport de 2014 a recommandé des mesures d’accompagnement comme le contrôle parlementaire et une communication plus large. Pourtant, aucun de ces dispositifs n’a été mis en œuvre.

  • Les effets psychologiques sur les populations
  • La comparaison avec les politiques coloniales passées
  • La contestation de l’efficacité stratégique
  • L’absence de débat public en France

En fin de compte, les frappes de drones dans le Sahel posent de nombreuses questions éthiques et stratégiques. Les Français devraient-ils être mieux informés et consultés sur les méthodes employées par leur armée ? Cette interrogation mérite bien des réflexions pour les années à venir.

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Originaire d'une ville vibrante d'Afrique, je suis un journaliste passionné par les récits de mon continent. Diplômé en journalisme, j'ai fondé Afriquenligne, en étant captivé par le désir de révéler les réalités africaines. Je voyage pour offrir des reportages authentiques, visant à transformer la perception de l'Afrique. Contact : [email protected]

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