Une vague pro-OGM déferle sur l’Afrique, soutenue par de grandes fondations et des entreprises biotech, mais les résultats sont controversés.
Une dynamique pro-OGM en Afrique
Depuis plusieurs années, l’Afrique est témoin de nombreuses initiatives portant sur les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM). Début 2023, des rassemblements au Kenya et en Ouganda ont mis en lumière cette tendance, réclamant l’adoption rapide des semences OGM. Mark Lynas, célèbre partisan des OGM, s’est réjoui sur X de cette « première marche en faveur des OGM en Afrique ». Cependant, ces événements ont été organisés par Weplanet Afrique, une organisation cofondée par Lynas lui-même et principalement financée par la Fondation Bill & Melinda Gates (BMGF).
Weplanet, précédemment connu sous le nom de Replanet, a été aussi actif en Europe, s’efforçant d’influencer la législation européenne sur les nouveaux OGM. En Afrique, ces rassemblements pro-OGM font suite à plusieurs décisions gouvernementales favorables aux biotechnologies, comme la levée du moratoire de dix ans sur les OGM par le président kenyan William Ruto fin 2022, et l’approbation par le Ghana de quatorze nouvelles variétés OGM de maïs et soja en mars 2023.
Bayer-Monsanto, un acteur clé
Entre 2001 et 2022, environ 400 millions de dollars ont été investis dans des recherches sur les semences génétiquement modifiées destinées au développement agricole de l’Afrique, selon le projet mBio. La fondation Gates a fourni plus de la moitié de ces fonds, montant à 223 millions de dollars. Si l’on inclut des projets probablement biotech, le total pourrait atteindre plusieurs milliards, dont 380 millions de la fondation Gates.
Ces fonds sont principalement dirigés vers des institutions de recherche occidentales. Par exemple, l’université du Michigan a reçu 43 millions de dollars. De plus, les centres internationaux de recherche sur les semences (CGIAR) reçoivent un tiers des fonds de la fondation. Un montant similaire va à la Fondation africaine pour les technologies agricoles (AATF), qui collabore avec Bayer-Monsanto, ayant passé des contrats pour 46 millions de dollars entre 2008 et 2020.
Faibles impacts pour les paysans africains
Malgré les millions investis, les résultats pour les paysans africains restent faibles. Très peu des variétés cultivées atteignent le stade de la commercialisation. Au Nigeria, une seule variété, résistante à la pyrale, a été commercialisée : le niébé, une légumineuse proche du haricot. Joeva Sean Rock, chercheuse en études du développement à l’université de Cambridge, note que de nombreux projets sont mal adaptés aux besoins des agriculteurs car ils sont souvent conçus en fonction des offres des entreprises privées.
Un partenariat notoire entre Monsanto et le Burkina Faso, visant à introduire du coton Bt résistant à la pyrale, a échoué entre 2008 et 2016. La mauvaise qualité de la fibre a rendu les récoltes invendables, laissant les paysans endettés à cause du coût des semences et des produits nécessaires à leur culture. Divers articles, notamment publiés dans African Affairs, analysent cet échec et montrent que les technologies coûteuses ne conviennent pas aux petits paysans. Par exemple, l’organisation Action contre la faim refuse de s’engager dans des projets OGM pour éviter d’endetter les agriculteurs.
Une science complexe et des projets abandonnés
Des statistiques du mBio project révèlent que 60 % des projets de recherche publique sur les OGM ont été abandonnés en Afrique. Cette dépendance aux brevets industriels empêche les chercheurs africains de poursuivre leurs projets si les entreprises privées, comme Monsanto, décident de se retirer.
Joeva Sean Rock évoque aussi la complexité de la sélection des plantes modifiées pour expliquer l’échec des recherches. Les projets de cultures génétiquement modifiées en Afrique font face à des caractères multigéniques complexes, où la science n’a pas encore atteint le niveau promis par le battage médiatique. Les recherches patinent particulièrement sur des caractères comme la résistance à la sécheresse, contrairement à des traits comme la production de protéines insecticides ou la tolérance aux herbicides, qui ont fait le succès des premiers OGM. Randall Wisser, généticien à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), expliquait déjà en 2021 que ces cas de traits uniques dominants sont rares.
La majorité des essais de recherche ne débouchent pas sur des produits commercialisables. Ce constat, mis en lumière par Joeva Sean Rock, est aussi un argument avancé par de nombreux mouvements sociaux contre les OGM. Ils soulignent l’inefficacité des projets actuels face aux besoins réels des agriculteurs africains. La question demeure : les millions de Bill Gates pour les OGM peuvent-ils vraiment offrir une solution durable à la faim en Afrique ?