Alors que les tensions sont déjà vives entre l’Algérie et le Maroc pour des raisons politiques et sportives, l’appétit économique de ces deux pays pour le marché des engrais pourrait bien être le nouveau théâtre d’affrontements.
La lutte économique sur les engrais
L’agitation qui règne entre l’Algérie et le Maroc semble trouver aujourd’hui une nouvelle arène : le marché des engrais. Le 7 mai dernier, lors d’un sommet consacré aux engrais et à la santé des sols à Nairobi, au Kenya, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a clairement indiqué le désir de son pays d’accroître ses ventes d’engrais.
L’Algérie a récemment fait don de 16 000 tonnes d’engrais au Kenya, un mouvement qui a été perçu comme une stratégie d’entrée sur le marché africain du phosphate. En effet, l’Algérie possède d’importantes réserves de gaz et de phosphates, des ressources clés pour la production d’engrais. Afin de maximiser ces atouts, une nouvelle mine de phosphate a été inaugurée à Tébessa avec l’ambition de produire et d’exporter environ 6 millions de tonnes d’engrais phosphatés par an.
Par ailleurs, l’Algérie prévoit de doubler sa production d’engrais d’ici 2033, un objectif qui pourrait lui permettre de surpasser le Maroc sur ce marché.
La réplique marocaine
De son côté, le Maroc ne reste pas les bras croisés face à cette ambition algérienne. Le royaume repose en grande partie sur ses considérables réserves de phosphate pour se distinguer sur la scène internationale. À ce titre, l’État et les entreprises du Maroc tablent sur cette ressource naturelle pour faire face à la concurrence algérienne. Cela dit, le manque de ressources internes en gaz, une composante essentielle dans la production d’engrais, pourrait constituer un handicap pour le Maroc qui est contraint de l’importer.
L’engrais, enjeu stratégique
Au-delà du conflit entre l’Algérie et le Maroc, l’enjeu de cette « guerre des engrais » est bien plus large. Les engrais constituent un élément central pour le développement de l’agriculture et, par conséquent, pour la sécurité alimentaire des populations. L’accès à des engrais de qualité et à un prix abordable est donc un enjeu majeur pour l’ensemble du continent africain.
Sous l’effet de la croissance démographique et de la pression sur les ressources agricoles, la demande en engrais est en constante augmentation. Dans ce contexte, la rivalité entre l’Algérie et le Maroc sur ce marché pourrait bien se transformer en une véritable guerre économique.
Ainsi, le conflit latent entre l’Algérie et le Maroc, déjà palpable sur les terrains de football ou dans les couloirs diplomatiques, pourrait bien trouver une nouvelle voie d’expression. Et si cette bataille économique était le nouveau visage du différend entre ces deux pays ?
Un tel scénario serait-il le prélude à un nouvel ordre géopolitique en Afrique du Nord ? Seul l’avenir nous le dira. Mais une chose est sûre : la « guerre des engrais » entre l’Algérie et le Maroc est bien plus qu’un simple conflit commercial. En effet, la capacité à fournir des engrais de qualité à un prix abordable aura un impact direct sur la sécurité alimentaire de millions de personnes. Dans cette lutte pour le contrôle du marché des engrais, quelle sera la nation qui parviendra à assurer le bien-être de ses citoyens et de ceux de l’ensemble du continent ?