Le Premier ministre ivoirien, Patrick Achi, a annoncé fin janvier le lancement du deuxième volet du programme social du gouvernement (PSGOUV2). L’une de ses priorités : lutter contre la fragilité des régions septentrionales qui font face à la menace djihadiste. Explications.

C’est à Tougbo que le Premier ministre a présenté le PSGOUV2. Déjà ciblée par deux attaques terroristes et terre d’accueil pour les réfugiés burkinabè, la ville est, à l’image de sa région, en proie à une présence djihadiste de plus en plus prégnante. Symbolique, le choix de Patrick Achi pour Tougbo traduit une ambition ferme du gouvernement : éradiquer les djihadistes du territoire national.

« Une puissante arme anti-terroriste » [1]

Depuis bientôt deux ans, les attaques terroristes se succèdent dans les régions du nord et du nord-est ivoirien. Voisines du Burkina Faso, ces régions aux frontières poreuses constituent un point d’entrée stratégique pour les djihadistes. Pour contrer leur avancée et sécuriser ses territoires, le gouvernement a renforcé son dispositif militaire. Évidente, la solution militaire n’est pour autant pas suffisante pour faire disparaître la menace qui pèse sur ces régions. Pour Bamba Tiémogo, chef du village de Kafolo, c’est le développement qui fera reculer les djihadistes.

Une vision partagée par le gouvernement, mais aussi par l’Organisation des Nations Unies, avec en tête Michelle Bachelet, pour qui le cadre militaire ne suffit pas « pour s’attaquer aux causes profondes de l’extrémisme violent ». En effet, selon la Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme  « Il faut s’attaquer à l’extrême pauvreté, aux inégalités, à l’exclusion (…) ».  Et tel est l’objectif de la deuxième mouture du plan social. « Le PSGOUV2 vise à accélérer le rythme de réduction de la pauvreté et des inégalités sociales, à apporter des solutions durables à la problématique de la fragilité dans les zones frontalières au nord et à améliorer les conditions de vie des populations », annonçait le Président de la République, Alassane Ouattara, lors de son allocution pour la nouvelle année 2022.

Au nord, ce sont les jeunes qui sont en première ligne. Dans cette région, touchée par un chômage endémique et une pauvreté persistante, la jeunesse ivoirienne se laisse séduire par l’argumentaire djihadiste qui y trouve un terreau favorable à l’enrôlement. « (…) la cause profonde de la plupart des crises et de l’instabilité dans [le] sous-continent est l’oisiveté. Elle pousse certains jeunes gagnés par le désespoir, attirés par le mirage des guerres faciles à des actes de déstabilisation » expliquait Patrick Achi lors de son discours à Tougbo.

L’insertion professionnelle pour « résister aux tentations »[2]

En diminution depuis dix ans, le taux de chômage des 15-24 ans est passé de presque 10% en 2010 à 5,7% en 2020 d’après la Banque Mondiale. Les jeunes restent cependant vulnérables sur le marché du travail et occupent bien souvent des emplois précaires. Pour tenter de déjouer cette précarité, certains se tournent vers le secteur informel, plus inconstant et qui n’offre aucune protection sociale.

L’insertion professionnelle de la jeunesse ivoirienne constitue donc la pierre angulaire du PSGOUV2 qui y consacre 8,6 milliards de francs CFA (soit 13 millions d’euros). Financé à 75% par l’État et à 25% par l’AFD par un contrat de désendettement, ce plan contribuera à insérer professionnellement 19 000 jeunes issus des régions du nord grâce à des contrats de main-d’œuvre et d’apprentissage liés au besoin du marché.

Le gouvernement prévoit également d’accompagner l’insertion professionnelle par l’éducation. Ainsi, le programme de l’École de la deuxième chance (E2C) ambitionne d’ici 2024 de réinsérer par la formation près de 400 000 jeunes. Si le nord constitue la priorité, l’insertion professionnelle de la jeunesse demeure une ambition nationale. « Le PSGOUV2 mettra au cœur de son réacteur, un appui puissant à la jeunesse, dans toutes les régions », explique le Premier ministre. L’objectif : rapprocher la jeunesse de la devise ivoirienne Union- Discipline-Travail.

Une devise dont le premier pilier est, dans certaines régions du nord, mis à mal par la crainte croissante du djihadisme. C’est le cas à Kafolo, où les dernières attaques terroristes nourrissent ressentiment et hostilité envers la communauté peule. Militaire et économique, la lutte contre le djihadisme en Côte d’Ivoire pourrait donc aussi être sociale pour faire perdurer l’unité et le vivre ensemble.

 

 

 

 

[1]https://www.linfodrome.com/revue-de-presse/73349-menaces-terroristes-alerte-rouge-en-cote-d-ivoire-le-gouvernement-a-l-assaut-des-djihadistes-soro-rentre-bientot

[2] https://www.linfodrome.com/revue-de-presse/73349-menaces-terroristes-alerte-rouge-en-cote-d-ivoire-le-gouvernement-a-l-assaut-des-djihadistes-soro-rentre-bientot

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Originaire d'une ville vibrante d'Afrique, je suis un journaliste passionné par les récits de mon continent. Diplômé en journalisme, j'ai fondé Afriquenligne, en étant captivé par le désir de révéler les réalités africaines. Je voyage pour offrir des reportages authentiques, visant à transformer la perception de l'Afrique. Contact : [email protected]

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