Incluse dans la black-list publiée récemment par l’Union européenne, l’Ile Maurice, qui lutte depuis longtemps contre le blanchiment de capitaux, a mis un coup d’accélérateur à travers une vaste réforme. L’objectif pour le gouvernement mauricien est de consolider son cadre législatif et financier et, à terme, convaincre l’UE de la retirer de sa liste. 

« Toutes les institutions impliquées dans l’application du plan d’action du GAFI travaillent sans relâche pour compléter leur tâche au plus vite ». C’est ainsi que s’adressait le ministre des Services financiers de l’île Maurice, Mahen Seeruttun, à l’Assemblée nationale afin d’évoquer la grande réforme enclenchée par le gouvernement pour renforcer son combat contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Effort national pour se mettre aux normes financières internationales

À l’origine de cette mobilisation d’envergure, l’inclusion surprise de l’île Maurice par l’Union européenne sur sa liste noire des pays à « haut risque » de blanchiment de capitaux. Une inclusion qui a créé la surprise dans un pays qui prend très au sérieux la lutte contre le crime financier. La réaction du gouvernement ne s’est pas fait attendre. 

L’île Maurice a intensifié sa bataille contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme afin d’être entendue dès le mois de septembre auprès de l’Union européenne. L’objectif ? Prouver que le pays est bien aux normes internationales et sortir de la black-list érigée par l’UE dès le mois d’octobre.

Consolidation d’un cadre légal existant

Le gouvernement de l’île Maurice n’a pas attendu de figurer sur la liste pour mettre en oeuvre un ensemble de préconisations élaborées par le Groupe d’action financière (GAFI), soit l’organisation internationale de référence dans la lutte contre le crime financier. Le pays a déjà mis en application quelque 53 (sur 58) recommandations du GAFI.

Aujourd’hui, le pays a souhaité redoubler ses efforts en déployant une vaste réforme, à l’oeuvre depuis quelques semaines à trois niveaux : législatif, institutionnel et financier. Au niveau législatif, un texte de loi (« The Anti-Money Laundering and Combatting the Financing of Terrorism ») a été présenté par le ministre au Parlement et publié au Journal officiel le 9 juillet 2020. Ce nouveau corpus juridique amende une vingtaine de lois. Le renforcement de la supervision devrait d’ailleurs s’étendre à des secteurs non-financiers, exposés au risque de blanchiment d’argent, tels que les jeux de hasard (hippiques, casinos), les métaux précieux et l’immobilier. 

Une surveillance étendue et renforcée grâce à l’aide de partenaires économiques

Au niveau institutionnel et financier, les banques et établissements financiers sont appelés à renforcer leurs organes de surveillance. Le tout grâce à l’aide d’une dizaine de consultants étrangers et au soutien des nombreux partenaires économiques du pays qui n’ont aucun intérêt à ce que l’industrie financière mauricienne ne chancelle : « Tous les partenaires économiques à l’île Maurice s’attèlent à rapidement mettre en chantier toutes les recommandations du GAFI et sortir de la liste de l’Union européenne » rappelle le directeur de l’association des Banquiers mauriciens, Daniel Essoo

Ce dernier souhaite d’ailleurs se montrer rassurant sur le caractère gagnant-gagnant et précurseur de cette vaste entreprise : « Les banques à l’île Maurice adhèrent déjà à des normes qui sont supérieures à celles en vigueur dans le pays. De ce fait, les banques accueillent très favorablement toute démarche qui vise à rehausser le niveau de conformité ». 

Rétablissement d’un climat favorable aux affaires

Si l’optimisme est plutôt de mise, les Mauriciens redoutent que le zèle de l’UE conduise au maintien de l’île Maurice sur la black-list, ce qui aurait des effets négatifs sur l’économie du pays. Maurice lutte déjà contre les effets économiques de la crise du Covid-19 et son maintien sur la liste de l’UE constituerait une double peine. « Cette situation est intervenue au mauvais moment. S’il n’y avait pas cette pandémie, nos dirigeants auraient fait le déplacement pour plaider la cause de Maurice auprès de l’UE. Une rencontre physique aurait eu plus d’impact que des échanges par voie téléphonique », résume Mahesh Doorgakant, président de l’Association of Trust & Management Companies. 

En espérant que l’Union européenne change de posture et réhabilite rapidement la juridiction du pays dont les efforts aujourd’hui ne sont plus à prouver.

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Originaire d'une ville vibrante d'Afrique, je suis un journaliste passionné par les récits de mon continent. Diplômé en journalisme, j'ai fondé Afriquenligne, en étant captivé par le désir de révéler les réalités africaines. Je voyage pour offrir des reportages authentiques, visant à transformer la perception de l'Afrique. Contact : [email protected]

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