Mohamed Ould Ghazouni, qui a remporté dès le premier tour le scrutin présidentiel du 23 juin avec 52% des voix, sera-t-il l’homme de l’ouverture et du consensus après une décennie de cadenassage politique opéré par Mohammed Ould Abdel Aziz ? L’avenir de la Mauritanie dépend de cette question et de la distance que le président élu mettra avec son prédécesseur. Ses relations avec l’influent homme d’affaires et philanthrope Mohamed Ould Bouamatou pourraient donner une première indication.
Il n’est un secret pour personne que Mohamed Ould Ghazouni et Mohammed Ould Abdel Aziz se connaissent et sont amis depuis quarante ans. Pourtant, malgré ces évidences, la situation politique mauritanienne n’est pas aussi figée qu’il y paraît de prime abord. Le scénario à la russe parfois évoqué (Ould Abdel Aziz prenant la place d’un Vladimir Poutine faisant semblant de partir pour mieux pouvoir revenir) n’est pas crédible pour la Mauritanie.
Tout d’abord parce qu’en Mauritanie plus que dans tout autre pays, il n’est guère aisé de revenir au pouvoir quand on l’a quitté. A fortiori quand on laisse les rênes à un homme de la stature de Mohamed Ould Ghazouni, qui est au moins aussi influent dans le pays que son prédécesseur.
Cette situation donne donc en réalité bel et bien les clés du pouvoir à Mohamed Ould Ghazouni. Que va-t-il en faire ? Poursuivre la politique clanique et ploutocratique de son prédécesseur, ou tenter le pari de l’ouverture et du changement pour asseoir son autorité sur des bases solides ? Il y a de bonnes chances qu’il choisisse la seconde option.
Et il y a en effet motif d’espoir. À la différence de Mohammed Ould Abdel Aziz, le nouveau président est largement respecté à travers le pays. Aucun scandale de corruption n’est accolé à son nom, et la communauté internationale loue depuis longtemps son action contre le terrorisme. Enfin, il a pour réputation d’être un homme pondéré et mesuré. Tout le contraire de son prédécesseur.
Une problématique fera, dans les semaines et les mois à venir, figure de test pour le nouveau pouvoir. Il s’agit du contentieux entre Ould Abdel Aziz et l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou. Les relations entre l’ancien président et l’homme le plus riche du pays avaient atteint un point de non-retour, au point de convaincre le milliardaire de s’exiler en Europe depuis plus de huit ans.
Derrière ce conflit d’hommes, ce sont d’immenses ramifications économiques et politiques que l’ex-président laisse en héritage à son successeur. Le groupe de Mohamed Ould Bouamatou contrôle des actifs dans la quasi-totalité des secteurs de l’économie du pays et les poursuites qui le visent, et dont la portée politique est connue de tous, nuisent au climat des affaires en Mauritanie.
Mais, au-delà de l’impact économique, la brouille entre Ould Bouamatou et Ould Abdel Aziz a également des conséquences politiques directes, puisque l’homme d’affaires soutient activement l’opposition et qu’il a participé au financement de la campagne électorale de l’une de ses principales figures, Sidi Mohamed Ould Boubacar.
Mohamed Ould Bouamatou. Une personnalité au cœur de beaucoup de crispations en Mauritanie et un symbole de la violence de l’ère Ould Abdel Aziz. Bientôt la détente en signe d’ouverture ?