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La hausse fulgurante des cours de l’or a entraîné une augmentation exponentielle des trafics autour de ce métal précieux. Avant la pandémie, l’once d’or s’échangeait à 1 300 dollars, mais aujourd’hui, elle atteint 2 450 dollars. Cette flambée des prix a stimulé l’exploitation minière clandestine et le commerce illégal, notamment en Afrique, qui est le premier producteur mondial d’or.
En 2022, environ 435 tonnes d’or non déclaré ont quitté le continent africain, représentant une valeur de 31 milliards de dollars. Ces chiffres impressionnants mettent en lumière l’ampleur du commerce illicite d’or et ses répercussions économiques et sociales. Le rapport du Financial Times, basé sur les données de l’ONG Swissaid, souligne l’urgence de la situation, alors que les pays africains peinent à contrôler cette extraction illégale, souvent réalisée dans des conditions déplorables, sans respect pour les droits humains ni l’environnement.
Les mécanismes du commerce illégal de l’or
Le commerce illégal de l’or en Afrique repose sur un réseau complexe et bien organisé qui exploite les failles des systèmes de régulation. En dix ans, le volume d’or extrait illégalement en Afrique a doublé, représentant aujourd’hui environ 40 % de la production totale du continent. Cet or, souvent qualifié de « sale », échappe à tout contrôle étatique, privant ainsi les pays producteurs de précieuses ressources fiscales. Les conditions dans lesquelles cet or est extrait sont souvent précaires et dangereuses, les mineurs travaillant sans protection adéquate ni garanties sociales.
Les principaux pays producteurs touchés par cette exploitation clandestine incluent la République démocratique du Congo, le Soudan, le Mali, la Côte d’Ivoire et le Ghana. Ces nations, souvent en proie à des conflits internes, sont des terrains fertiles pour les trafiquants qui exploitent à la fois les ressources naturelles et les désordres politiques. La majorité de cet or est ensuite transformée aux Émirats arabes unis, principalement à Dubaï, qui constitue un hub majeur pour le marché de l’or. Selon Swissaid, 93 % des exportations africaines non déclarées transitent par cette ville, mettant en lumière les failles du système de régulation des exportations.
La Suisse, plaque tournante du commerce de l’or
La Suisse joue un rôle clé dans le commerce mondial de l’or, avec cinq des plus grandes raffineries au monde. Entre 2012 et 2022, les importations d’or déclarées en provenance d’Afrique vers la Suisse ont augmenté, passant de 162 tonnes à 267 tonnes, soit 11 % des importations totales d’or dans le pays en 2022. Cependant, une partie de cet or pourrait également être importée via des pays tiers, notamment les Émirats.
En octobre 2023, la raffinerie suisse Valcambi a été accusée de s’associer avec un partenaire à Dubaï lié à l’or provenant de zones de conflit au Soudan. Cette situation est facilitée par une faille dans les déclarations douanières helvétiques, qui n’exigent pas de mentionner le pays d’extraction de l’or, mais seulement son dernier lieu de transformation. Cette lacune pourrait être comblée par une nouvelle législation douanière en discussion au Parlement suisse, qui vise à renforcer la traçabilité des importations d’or.
Initiatives pour un commerce de l’or plus éthique
Face à la prolifération du commerce illégal de l’or, plusieurs initiatives émergent pour promouvoir une exploitation plus éthique et durable. En Suisse, la Swiss Better Gold Association soutient les mineurs artisanaux en Colombie et au Pérou, et envisage d’étendre ses efforts au Ghana. L’objectif est de proposer des solutions durables et équitables pour les mineurs, tout en réduisant l’impact environnemental de l’exploitation minière.
Ces initiatives visent à créer une chaîne d’approvisionnement plus transparente et responsable, en s’assurant que l’or est extrait dans des conditions respectueuses des droits humains et de l’environnement. En promouvant des pratiques minières éthiques, ces organisations espèrent réduire la dépendance aux circuits illégaux et encourager une régulation plus stricte du commerce de l’or.
Les enjeux géopolitiques du commerce de l’or
Le commerce illégal de l’or en Afrique a des répercussions géopolitiques significatives, impliquant des acteurs internationaux et des nations entières. Les Émirats arabes unis, en particulier, sont pointés du doigt pour leur rôle dans le transit et la transformation de l’or africain. Swissaid a appelé à leur réintégration sur la « liste grise » du Groupe d’action financière (Gafi), qui recense les pays ne faisant pas suffisamment d’efforts pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Cette inclusion symboliserait une pression internationale accrue sur les Émirats pour qu’ils renforcent leurs contrôles et coopèrent avec d’autres nations pour réduire les flux d’or illégaux. De plus, les relations entre les pays producteurs africains et les importateurs comme la Suisse et les Émirats doivent être réévaluées pour établir des partenariats basés sur la transparence et la responsabilité.
Vers une régulation internationale renforcée
Pour lutter efficacement contre le commerce illégal de l’or, une régulation internationale plus stricte est nécessaire. Les pays producteurs, les États importateurs et les organisations internationales doivent collaborer pour mettre en place des mécanismes de contrôle renforcés. Cela inclut l’amélioration de la traçabilité de l’or, la mise en œuvre de normes éthiques pour l’exploitation minière, et l’établissement de sanctions pour les violations.
La coopération internationale est essentielle pour harmoniser les réglementations et garantir que les efforts déployés par un pays ne soient pas sapés par le laxisme d’un autre. En travaillant ensemble, les nations peuvent réduire l’impact des réseaux illégaux et promouvoir un marché de l’or plus juste et durable.
La dynamique actuelle du commerce de l’or soulève des questions cruciales pour l’avenir. Comment les pays africains peuvent-ils mieux protéger leurs ressources naturelles tout en bénéficiant de leur exploitation ? Quels rôles les nations importatrices devraient-elles jouer pour assurer un commerce éthique et responsable ? Les réponses à ces questions détermineront l’évolution du marché de l’or et son impact sur les économies et les sociétés du monde entier.
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Comment se fait-il que ce trafic passe inaperçu des autorités africaines ? 🤔
Merci pour cet article éclairant qui met en lumière un problème souvent ignoré.
Les Émirats et la Suisse devraient-ils être tenus pour responsables de ce commerce illicite ?
J’espère que des mesures seront prises pour protéger les mineurs qui travaillent dans des conditions précaires.
C’est incroyable que ce problème persiste depuis si longtemps sans solution ! 😡
Pourquoi ne pas imposer des sanctions plus sévères aux pays impliqués dans ce commerce d’or illégal ?
Quelle est la différence entre l’or « sale » et l’or « propre » ?
Bravo aux organisations qui œuvrent pour une exploitation minière plus éthique. 👏
Les chiffres sont alarmants, 435 tonnes d’or c’est énorme !
C’est triste de voir que des pays comme la RDC continuent à souffrir de ce type d’exploitation.