Au cœur de la politique européenne, une question brûlante subsiste : pourquoi les dirigeants européens semblent-ils fermer les yeux sur les dérives autoritaires de Kaïs Saïed, président tunisien en exercice depuis octobre 2019 ? L’Europe, face à des enjeux migratoires prioritaires, adopte une approche pragmatique mais controversée. Un certain consensus semble prévaloir parmi les pays-membres, induisant une tolérance accrue vis-à-vis des actions autoritaires du président tunisois. Cet équilibre fragile entre le maintien de relations diplomatiques stables et la défense des principes démocratiques mérite un examen approfondi.
Priorité aux flux migratoires
L’Union européenne, avec l’Italie en tête, accorde une importance capitale à la gestion des flux migratoires en provenance de la rive sud de la Méditerranée. Cette priorité se reflète dans le mémorandum d’entente signé en juillet 2023 entre l’UE et la Tunisie. L’accord a permis une réduction significative du nombre de migrants arrivant en Italie, passant de près de 60 000 en 2022 à moins de 23 000 en 2023. Ce succès relatif justifierait, selon certains observateurs, la relative indulgence des Européens vis-à-vis des actions autoritaires de Kaïs Saïed.
Le président tunisien reste donc un interlocuteur privilégié. Malgré les critiques internationales concernant les arrestations de journalistes, d’avocats et de responsables d’ONG, l’Europe semble poursuivie par ce statut quo stratégique. En effet, une pause dans les relations diplomatiques pourrait compromettre les progrès accomplis en matière de contrôle migratoire.
Un pouvoir consolidé
Depuis son accession au pouvoir, Kaïs Saïed n’a cessé de renforcer ses prérogatives. En juillet 2021, il suspend le Parlement et s’octroie les pleins pouvoirs face à l’inefficacité perçue des institutions démocratiques. Cette action est qualifiée de « coup d’Etat » par ses détracteurs, mais reste largement acceptée par la communauté internationale. En 2022, il entérine sa position en faisant adopter une nouvelle Constitution qui lui confère des pouvoirs étendus.
Le président tunisien engage alors un démantèlement systématique des institutions post-révolution. Gouvernant par décret, il dissout définitivement le Parlement en mars 2022 et révoque une cinquantaine de juges, consolidant ainsi sa mainmise sur le pouvoir judiciaire. En parallèle, le décret-loi 54 de septembre 2022, censé lutter contre les « fausses nouvelles », accroît les restrictions sur la liberté d’expression.
Les relations internationales sous tension
Le discours de Kaïs Saïed envers les puissances occidentales est souvent critique. Il rejette les critiques étrangères en les considérant comme une atteinte à la souveraineté tunisienne. Néanmoins, sa volonté de renforcer les liens avec des puissances comme la Russie ou la Chine demeure principalement rhétorique. Cette dualité entre discours et action reflète un équilibre délicat entre indépendance politique et dépendance économique envers les pays occidentaux.
Ainsi, l’Europe reste le principal partenaire commercial de la Tunisie, tandis que les Etats-Unis apportent un soutien financier crucial à son armée. L’exemple de novembre 2023, lorsqu’il rejette une loi criminalisant les relations avec Israël, illustre bien les leviers de pression des Etats-Unis. La crainte d’un changement diplomatique radical est contenue, du fait du contexte économique et sécuritaire fragile du pays.
Aspect | Résumé |
---|---|
🔍 Priorité | Gestion des flux migratoires |
📈 Pouvoir | Consolidation de Kaïs Saïed |
🌍 Relations | Diplomatie sous tension |
Malgré tout, une partie importante de la population tunisienne semble soutenir les actions de Kaïs Saïed. Son discours anti-corruption et de rejet des élites politiques trouve un écho favorable auprès des jeunes. Ces derniers, désillusionnés par les crises politiques post-révolution, perçoivent parfois le président comme un rempart face à l’effondrement des promesses démocratiques de la révolution.
Alors que l’Europe continue d’adopter une approche réaliste envers la Tunisie, le débat sur les valeurs fondamentales de la démocratie reste ouvert. Quel avenir attend la relation entre l’Europe et la Tunisie dans ce climat complexe ?
- Mémorandum d’entente Tunisie-UE
- Nouveau cadre constitutionnel
- Relations commerciales et militaires
- Soutien interne à Kaïs Saïed
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