Alors que l’intelligence artificielle (IA) est de plus en plus présente dans notre quotidien, il est facile d’oublier que derrière les algorithmes sophistiqués, il y a le travail humain. Plongée surprenante dans le microcosme des « travailleurs du clic » à Madagascar, une île éloignée où l’IA est cultivée patiemment par des petites mains bien réelles.

Des ordinateurs, des hommes et l’IA à Madagascar

Dans les banlieues densément peuplées de la capitale, Antananarivo, Andy est l’un de ces travailleurs du clic qui font vivre l’IA. Dans l’intimité de son domicile transformé en poste de travail, il passe ses journées à comparer des images, œuvrant à l’entraînement des algorithmes de commerce en ligne pour les géants du web. Son labeur lui rapporte 6 centimes de dollar par tâche, une modeste compensation qui, cependant, est bienvenue dans un pays où 75% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Un écosystème de l’IA en plein développement

Ce phénomène n’est pas isolé. À Madagascar, des acteurs économiques ont commencé à comprendre le potentiel de l’IA dans la création d’emplois et l’attirance de l’investissement. Des entreprises comme Beepeeoo, dont l’opération est menée par le Français Pierre-Paul Ardile, emploient une centaine de personnes pour former l’IA. Leur rémunération, bien que modeste selon les normes occidentales, est trois fois le salaire moyen local. L’entreprise fournit ces services à une variété de secteurs, des services financiers à l’industrie, en passant par la distribution et l’agriculture.

Éthiquement ambigu : sous-traitance et surveillance

Mais cette transformation soulève également des questionnements sur le caractère éthique de la sous-traitance de l’IA vers les pays moins développés. Certains chercheurs s’inquiètent de la précarité des travailleurs en bout de chaîne, les «rouages invisibles» de nos vies numériques. Ils mettent également en lumière la variété des conditions de travail, allant des grandes entreprises bien établies aux petits acteurs opérant dans des maisons privées.

L’aspect le plus délicat se situe peut-être dans l’analyse de vidéos de surveillance, souvent exportées des supermarchés français vers Madagascar. À un niveau, cette pratique peut aider à la détection de comportements suspects et à la prévention des vols. Mais l’usage de ces données sensibles et potentiellement invasives soulève des questions cruciales sur la confidentialité et le respect des droits individuels.

L’encadrement juridique reste flou

Face à ces développements, l’encadrement juridique reste ambigu. Thomas Dautieu, directeur de la conformité à la CNIL (Commission informatique et libertés) en France, souligne le vide juridique actuel concernant l’utilisation de ces caméras augmentées par des entreprises privées. La CNIL a lancé des inspections dans les magasins équipés de technologies de surveillance intelligentes, et ses conclusions sont attendues avec impatience.

Un monde où l’économie en pleine expansion de l’IA est nourrie par le travail humain dans les pays en développement peut sembler dystopique. Néanmoins, ces récits de « travailleurs du clic » à Madagascar révèlent la réalité complexe et parfois contradictoire de cette économie globale en ligne. Faut-il s’inquiéter de cette disparité ? Ou devons-nous y voir une opportunité pour une distribution plus équitable du travail numérique à travers le monde ?

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Originaire d'une ville vibrante d'Afrique, je suis un journaliste passionné par les récits de mon continent. Diplômé en journalisme, j'ai fondé Afriquenligne, en étant captivé par le désir de révéler les réalités africaines. Je voyage pour offrir des reportages authentiques, visant à transformer la perception de l'Afrique. Contact : [email protected]

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