Paul Kagamé, l’ex-chef de guerre, homme fort du pays depuis 1994 et président élu et réélu (avec des scores de plus de 90%) depuis 2000, est un autocrate africain de la vieille école. Liberté de la presse bafouée, ingérences militaires dans les pays voisins, emprisonnement d’opposants : la brutalité de son régime est dénoncée régulièrement par les ONG. Pourtant, au fil des ans s’appuyant sur le développement économique spectaculaire du pays, le Rwanda de Paul Kagamé tente de se refaire une virginité sur la scène internationale.
Paul Kagamé pose ses pions à l’international. Son dernier coup de maître ? Obtenir le soutien d’Emmanuel Macron à la candidature de sa ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, pour prendre la tête de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Un tour de force au regard des relations orageuses qu’entretiennent depuis des décennies la France et le Rwanda. Paul Kagamé ayant fait de la France son bouc-émissaire de prédilection pour porter la responsabilité du génocide de 1994… et légitimer à bon prix son pouvoir.
Une attitude clairement hostile à la France, mais également à la francophonie. En novembre 2009, comme un pied de nez à Paris, le Rwanda rejoint le Commonwealth et fait de l’anglais sa langue officielle et d’enseignement. Mais Emmanuel Macron semble n’en avoir cure. L’espoir d’un retour à la normale des relations franco-rwandaises en échange du hochet de l’OIF ? Peut-être, mais c’est mal connaître le « roi Kagamé », sa soif de puissance régionale et sa capacité aux grand-écarts diplomatiques.
Car si la success story économique du Rwanda est indéniable sous sa férule, d’autres pans du régime Kagamé devraient amener les chefs d’Etat occidentaux à ne pas se précipiter à normaliser leurs relations avec « la Suisse de l’Afrique ». Dans le Nord Kivu, en République Démocratique du Congo, le Rwanda soutient activement et instrumentalise les rebelles du M23, un groupe armé particulièrement violent qui sème la désolation dans cette vaste région riche en minerais (or, cuivre, étain notamment) où le conquérant Kagamé puise un riche butin à l’image du seigneur de guerre qu’il n’a jamais cessé d’être.
Au niveau intérieur, le bilan de Paul Kagamé est tout aussi controversé. Nombre d’opposants et de journalistes ont été contraints à l’exil ou emprisonnés sous des motifs fallacieux, à l’image des arrestations arbitraires dont ont été victimes l’activiste Victoire Mugamire et l’opposante Diane Rwigara. La dernière, candidate déclarée à la dernière présidentielle, a vu sa candidature (la seule d’une opposante légitime) rejetée en toute opacité par la commission électorale, mais aussi de fausses photos d’elle nue être massivement diffusées par le Front Patriotique Rwandais (FPR), le parti de Paul Kagamé.
Le Rwanda se classe d’ailleurs au 153e rang mondial en matière de liberté de la presse établi chaque année par Reporter Sans Frontières (RSF). L’organisation de défense des journalistes se montre particulièrement virulente à l’égard de « l’autoritarisme à tendance totalitaire » de Paul Kagamé. Une réalité incontournable du régime de Kigali que l’Occident ne peut pas feindre d’ignorer dans l’espoir illusoire de rentrer dans les bonnes grâces d’un dictateur qui ne comprend que les rapports de force.
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